En solidarité avec Extinction Rebellion, Animal Rebellion mobilisera des milliers de défenseurs des animaux pour une rébellion de deux semaines au Canada, à compter du 7 octobre. […] Nous croyons en un monde où tous les individus de toutes les espèces peuvent s’épanouir […]. En tant que tel, nous pensons que nous avons besoin d’un système politique enraciné dans une prise de décision collective prise avec et à côté de notre famille multi-espèces, où la créativité et la compassion sont prioritaires […]"
XR — Extinction Rebellion Avec humour & Avec des larmes
LE POUR : commentaire de Jean-Christophe Lurenbaum
Animal Rebellion, l’action la plus efficace actuellement en terme d’allègement de la souffrance ?
- La menace climatique commence à être bien admise par l’opinion publique mondiale.
- Mais de nombreuses mesures pour y remédier, que les gouvernements devraient prendre, risquent d’être rejetées par la population : arrêter de prendre l’avion ou la voiture pour partir en vacances par exemple ! Et surtout crise économique profonde acculant certaines populations à la paupérisation, voire à la disparition pure et simple par manque de ressources et de services (santé, transport, alimentation, chauffage, etc).
- Il se trouve qu’une solution est un gagnant-gagnant pour tout le monde, à part pour des lobbys très concentrés : réduire au maximum l’impact environnemental de la production animale industrielle.
- La population est largement prête à admettre qu’il faut mettre fin à la production “industrielle” animale, avec les tortures animales qu’elle charrie. Et le message que réduire la consommation de viande serait bon pour la santé humaine est déjà bien passé.
- Parmi toutes les options à portée de main des gouvernements pour agir sur le climat et l’environnement, réduire la production industrielle animale est donc sans doute la plus facile et populaire à mettre en oeuvre, comparée aux autres. Et ce serait sans doute celle qui aurait à court terme le plus fort impact en terme d’allègement de la souffrance (les tortures animales).
- Reste à donner le coup de pouce pour aider les gouvernements à passer à l’acte : l’usage judicieux de la désobéissance civile, c’est-à-dire capable de rallier la sympathie de l’opinion publique sans l’irriter, est un levier opportun dans ce contexte. Tout tient à la capacité d’identifier des actions qui touchent les vrais responsables, en évitant de nuire aux populations elles-mêmes, histoire de leur épargner la double peine !
Au même moment, voici un message adressé par GreenPeace à ses abonnés :
“Un nouveau rapport de l’ONU nous apprend comment nous pouvons agir pour contrer les changements climatiques. […] Et bien que cela puisse sembler être un problème lointain qui nous laissent désemparé-es, il s’avère que la solution est plus proche que ce que vous pensez. Elle se trouve dans votre assiette. C’est exact : ce nouveau rapport souligne que la consommation de viande a plus que doublé ces cinquante dernières années et il nous incite à adopter des régimes accordant une large place aux végétaux pour résoudre la crise climatique. Plus de 12 000 sympathisant-es se sont déjà engagé-es à manger moins de viande et de produits laitiers afin de protéger notre planète. Nous vous invitons à vous joindre à eux. Engagez-vous à manger moins de viande !
La science est claire : si nous voulons lutter contre les changements climatiques, il est nécessaire de changer notre alimentation. Réduire notre consommation de viande tout en mangeant davantage d’aliments d’origine végétale est non seulement l’un des moyens les plus efficaces de lutter contre les changements climatiques, mais c’est aussi une piste de solution à de nombreux défis qui y sont liés, comme les pénuries alimentaires, les menaces sur la biodiversité et la pollution des eaux.
C’est pourquoi Greenpeace appelle à ce que la production de viande et sa consommation au niveau mondial soient réduites de moitié d’ici 2050. […] remplacer la viande et les produits laitiers par des aliments d’origine végétale n’est pas seulement bon pour notre santé, c’est aussi bon pour la planète.”
C’est toute la différence entre la façon d’agir de l’Alliance Algosphère ou d’Animal Rebellion, et la démarche de GreenPeace ou des exhortations à devenir individuellement végane : l’Alliance agit au niveau politique, c’est-à-dire cherche à peser globalement sur les prises de décisions des collectivités. On peut attendre longtemps l’allègement de la souffrance si on se contente d’appels à la vertu individuelle.
LE CONTRE : commentaire de Robert Daoust
Contrairement à ce qu’on trouve dans l’Appel de L214 contre l’élevage intensif, très bien formulé (voir plus haut sur cette page), l’objectif d’Animal Rebellion parle de “mettre fin aux industries de l’agriculture animale et de la pêche”, ce qui me parait dangereusement mal conçu. Pourquoi mettre fin plutôt que rendre acceptable ? Parce que des êtres sentients y sont utilisés ? Mais toutes les industries utilisent des êtres sentients (humains ou autres) qui, au travail, souffrent ou meurent ou voient leur vie abrégée. Le grand danger de l’idéalisme, a-t-on vu à travers l’histoire, est de vouloir anéantir le mal, ce qui malheureusement est impossible dans les conditions actuelles et s’avère tragiquement contre-productif. C’est pourquoi j’invite Animal Rebellion à revoir son objectif dans la perspective d’une organisation rationnelle de l’allègement de la souffrance dans le monde.
Beaucoup d’animaux humains ou autres ont besoin actuellement de consommer ou de produire des aliments d’origine animale pour ne pas souffrir de faim ou de malnutrition. Alors, il faut non pas abolir l’industrie de l’élevage et de la pêche, mais la rendre compassionnelle, malgré la part inévitable de souffrance qu’elle comporte en pratique, en espérant qu’au bout du compte il n’y aura plus de souffrance, si possible. Je comprends la rébellion des animalistes, ou celle des environnementalistes, mais sans un encadrement terminologico-technique rigoureux, ces mouvements populaires qui sont, en principe, bien et bons, risquent fort de verser dans des débordements catastrophiques.
C’est vrai que pleins de catastrophes se produisent déjà à l’heure actuelle, hélas, mais il y a encore de la place pour pire, surtout que les choses se corsent avec les menaces d’effondrement de nos infrastructures planétaires. Difficile de prédire quelle forme prendrait un débordement originant d’idéalistes abolitionnistes. Un scénario vraisemblable serait que la violence entre ceux-ci et les carnistes s’installe, comme on en voit des prémices dans nos pays et surtout, parait-il, en Inde… Puis, une prise de pouvoir par les abolitionnistes purs et durs pourrait entrainer des politiques radicales qui envenimeraient encore plus les choses par de brutaux changements d’alimentation imposés, des persécutions extrêmes de producteurs devenus illégaux, des hécatombes chez les animaux privés de nourriture carnée, des répercussions déplorables en divers secteurs économiques, un état de guerre civile larvée, etc.
L’esclavage est probablement la notion la plus utile dans ce débat-ci, car les animaux sont dans cette condition. Il y a parait-il plus d’esclaves “humains” actuellement sur terre qu’à n’importe quelle autre période. Ni les appels au respect des autres ni les recours au droit n’ont suffi à enrayer ce fléau. Alors je pense que certains changements que nous voulons voir arriver vont tellement à l’encontre de forces en place que, sauf rarissime exception, ils sont voués ou bien à l’échec, ou bien à ne produire que des résultats cosmétiques, ou bien à ne réussir qu’à travers des conflits abominables qu’il nous faut considérer d’avance avec une totale circonspection parce qu’alors nous allons alourdir la souffrance avec l’intention de l’alléger, ce qui est toujours une manoeuvre hautement risquée. Les abolitionnistes qui préconisent la fin de la pêche et la fermeture des abattoirs ont-ils bien calculé tous les enjeux, ou bien lancent-ils simplement des mots d’ordre qui surgissent d’une rébellion compréhensible sans tenir compte des terribles chocs à venir ?
La situation des entités conscientes actuellement en est une où les souffrances excessives sont inévitables mais où la minimisation de ces souffrances est faisable, grâce tout à la fois à l’appel à la vertu privée et à l’exigence de la justice publique. Que l’on pose et poursuive des buts inaccessibles, comme la non-utilisation des animaux à des fins économiques, cela permet d’exprimer la perfection de la vertu ou de la justice, mais ça oblige en même temps à prendre des mesures vouées à l’échec, ce qui est déjà un peu déplorable pour une personne, mais pour une collectivité ça risque de tourner en calamité. L’esclavage et la mort sont inévitables et à minimiser par des politiques personnelles et collectives. Il faut viser à utiliser l’esclavage et la mort des organismes porteurs de conscience au profit d’un bilan des valeurs ressenties qui soit le plus positif possible et qui soit équitable, c’est-à-dire en principe le même pour chaque entité consciente. L’antispécisme, comme les autres postures anti-discrimination, correspond à une telle politique.
Au vu des risques existentiels nombreux que notre époque comporte déjà, et dans la perspective d’améliorer de façon sécuritaire aussi bien le bien-être des animaux non humains que la santé des humains et l’état de l’environnement, il faut je pense produire au plus vite les plans détaillés d’un allègement de la souffrance dans le monde, comme le préconise l’Alliance Algosphère. Entre temps j’invite Animal Rebellion à réfléchir et à décrire sa mission en apportant un changement semblable à celui qui est proposé dans ce qui suit ?
“Animal Rebellion is a mass volunteer movement that uses methods of non-violent civil disobedience to make fair for all sentient beings the agriculture and fishing industries, to halt mass extinction, and to minimise the risk of climate breakdown and social collapse.”